Le Design Sprint est la méthode de Google Ventures qui permet en 5 jours de répondre à des questions cruciales en testant des idées et des prototypes. Utilisée plus de 100 fois avec de grandes startups, elle a su montrer son efficacité à de nombreuses reprises. Je vous présente aujourd’hui la technique plus en détails.
(cet article est un peu long. Il y a un résumé en bas de page ainsi que des ressources pour les plus flemmards pressés d’entre vous. Bonne lecture !)
Pour vous rendre plus rapidement à une section, voici le sommaire :
- Le Design Sprint, c’est quoi ? (présentation de la méthode et de ses bienfaits)
- Déroulement d’un sprint (préparation, planning des 5 jours, organisation)
- 5 exemples concrets (quelques exemples dans la vraie vie)
- Résumé
Google Ventures et le sprint Design
Depuis quelques années je suis les péripéties de Google Ventures, la branche du géant du web spécialisée dans le financement et l’accompagnement des startups. Ils publient via Medium des articles très intéressants à propos de leurs expériences : https://library.gv.com/
C’est de cette manière que mes collègues et moi avons eu connaissance, il y a quelques années, du Design Sprint (ou product design sprint). Cette méthode originale de brainstorming en équipe semblant prometteuse, on l’a expérimenté de notre côté avec certaines des startups que l’on a accompagné. Et les résultats sont plutôt intéressants. Cependant, le problème face à de nouvelle méthodologies (Le sprint design, le lean startup…) c’est qu’il faut les faire accepter à son client et ce n’est pas toujours facile.
Durant plusieurs années, les équipes de GV ont accompagné des centaines de startups avec cette méthode qu’ils ont pu améliorer, fignoler. Aujourd’hui satisfaits de celle-ci, ils ont dédié un livre « Sprint » http://www.gv.com/sprint/
Je vais vous présenter en détails cette méthode aujourd’hui, mais pour aller plus loin je vous conseille vivement ce livre qui est très complet. La technique est expliquée en détails et de nombreux retours d’expériences y sont montrés à titre d’exemple.
Le Design Sprint, c’est quoi ?
Je cite l’un des passages du livre :
The sprint is GV’s unique five-day process for answering crucial questions trough prototyping and testing ideas with customers
Vous avez compris ! Non ? Bon ok je vous la fait en français :
Le sprint design est le processus de 5 jours conçu par Google Ventures pour répondre à des questions cruciales en testant des idées et des prototypes avec leurs clients.
Le sprint est un process étalé sur une semaine dont les acteurs sont des membres de GV mais aussi les clients : tout le monde y participe.
Il n’est pas là pour résoudre tous les soucis de la startup, mais sert à isoler un ou plusieurs problèmes majeurs, émettre des idées et les tester afin de valider rapidement l’hypothèse initiale.
Voici un résumé du déroulé sur 5 jours :
- Lundi : Comprendre le process actuel de la startup, émettre des problèmes et se focaliser sur le problème le plus important
- Mardi : Trouver le maximum possible de solutions, créer des scénarii
- Mercredi : Prendre des décisions difficiles et transformer les idées en hypothèses faciles à tester
- Jeudi : Conception du prototype
- Vendredi : Tester le prototype sur des humains et en tirer les conclusions
Alors bien entendu le prototype à tester sera loin du produit final, mais on parle là de tester une hypothèse et non pas produire une solution technique complète.
Pour réaliser un sprint, il faudra réunir une équipe polyvalente : des gens de chez vous (un expert en design/ergonomie, un expert en code par exemple) mais également des experts de chez le client : le patron (qui porte la vision du projet), le gars qui s’occupe de la relation client (qui est au plus près d’eux et sera le plus susceptible de les comprendre), le gars du marketing (qui comprend bien les enjeux financiers). C’est important dans un sprint de réunir une équipe de choc comme celle-ci.
Le sprint peut servir dans beaucoup de cas. Bien souvent le client apporte le brief d’un projet. Parfois il apporte même un cahier des charges. Attention ! Le cahier des charges est un document qui doit être réalisé sous l’expertise du client et du prestataire en même temps. Un client tentant de faire seul son cahier des charges finira bien souvent par sortir un torchon inexploitable. Et vous allez au devant du danger en l’acceptant en l’état.
En partant d’un brief, vous allez tout de suite détecter des problématiques, surtout si le projet est complexe. De là on tombe sur un souci bien connu : le client va demander tout de suite une estimation, ce qui est impossible à donner , même à la louche.
C’est ici qu’il faut un sprint, pour réfléchir aux problèmes, trouver le plus urgent, établir des solutions, et créer un prototype rapidement.
Là vous allez me dire : ça ressemble à du Lean ! Effectivement : les deux techniques sont complémentaires et utilisées ensemble, elles peuvent apporter de très bons résultats.
- Le lean concerne le découpage de la construction du produit en plusieurs petites parties plus facile à estimer financièrement et à réaliser.
- Le sprint vient se focaliser sur une seule problématique et a pour but de tester une solution rapidement sans conception
C’est pour cela que l’on peut très bien allier les 2. Pas de problématique en vue : on développe en lean. Lorsqu’une problématique se pose : on lâche les claviers et on réfléchit lors d’un sprint.
Vite fait, bien fait !
Un process de conception habituel et convention se présente en 4 étapes :
- On réfléchit à une idée
- On construit le produit
- On le lance
- On apprend et on améliore
Il faut voir le design sprint comme un raccourci : On part d’une idée (1) et on va essayer d’en apprendre (4) le plus sans construire et sans même lancer le produit (2 et 3) afin de valider des hypothèses avant de lancer de grands chantiers.
Je peux vous dire que de nombreuses sociétés auraient économisé beaucoup d’argent si elles avaient pris le temps d’appliquer cette méthode.
Pour quels types de projets ?
Alors qu’on se le dise : cette méthode ne sera pas adaptée à tout projet. Mais généralement c’est plutôt simple : si un client vient vous voir avec un projet un peu complexe, ou avec une idée bonne mais quelques questions sur comment la mettre en oeuvre correctement, alors le Sprint est adapté.
Google Venture a utilisé cette technique avec de nombreuses startups dont des très connues comme Nest et sur des problématiques très variées :
- La viabilité d’un projet
- L’efficacité d’un tunnel d’achat d’un site web
- La première mouture d’une application mobile
- La création d’une nouvelle fonctionnalité
- Définir une stratégie marketing…
Ils ont notamment fait un sprint avec la société Savioke, qui construit un robot destiné à faire des livraisons dans des hôtels. La problématique était de rendre l’expérience cool sans être bizarre (au niveau de l’interaction homme machine). Une expérience trop bizarre aurait pu être un facteur suffisant pour détruire le projet. C’est donc cette problématique qui a été visée pendant le sprint.
Trop souvent le client sous estime la complexité de son projet et pense qu’en quelques lignes de code ce sera résolu. Combien de projets ont capoté à cause d’une expérience utilisateur catastrophique, même si techniquement le code était bien pensé.
Combien de projets ont raté car le client met tout son budget sur l’aspect technique et ne garde rien pour le marketing qui s’ensuit ? Et combien d’agences ont bêtement accepté le projet en pensant seulement au chèque de paie qui en résulterait.
Le sprint permet de mettre à plat le process et ses problématiques, et d’en isoler quelques unes essentielles pour tenter de les résoudre rapidement et efficacement. Et surtout de trouver les points sensibles qui feraient capoter le projet ou l’empêcheraient de décoller.
On pourrait penser qu’utiliser le sprint pour un simple site c’est un peu tirer au bazooka sur un éléphant dans un couloir. Eh bien pas forcément. Au final le site n’est jamais là pour faire joli. Il y a toujours un but derrière : vendre plus, convertir des internautes, fidéliser …
A partir de cet objectif il y a des choses importantes à faire : créer le site oui, mais tout d’abord penser à son design, son ergonomie, mais encore plus important : son message à faire passer, atteindre sa cible et convertir.
Selon moi même l’expertise à apporter autour d’un site va bien plus loin que son design et son développement. Et une réflexion en Sprint peut apporter de bien belles idées pour la suite.
Le Design Sprint face aux clients
Le sprint sert à isoler une problématique parmi toutes les problématiques d’un projet, et d’apporter rapidement une solution en testant des idées.
En tant que prestataire, vous positionner en tant que problem solver et non pas simple intervenant technique est bénéfique pour la réputation de votre agence. Et vous risquez d’avoir des projets plus intéressants
Pour votre client c’est la garantie de ne pas se jeter à l’eau sans avoir un minimum testé son projet, car souvent ça se passe comme ça :
Il y a plusieurs types de clientèles et elles ne seront pas toutes compatibles avec cette méthode :
- Si votre client est une startup, ça passera surement
- Si c’est une entreprise assez moderne avec de vraies problématiques, le sprint peut passer
- Si c’est une entreprise conventionnelle ou une institution, ça va être dur
On a tous eu le client obtus qui arrive avec un projet ultra complexe, un cahier des charges déjà fait, et une demande de prix précise et qui vous engagera directement pour la suite du projet. Vous savez le genre de personne qui vous dit « ça coute combien un site ? ». (Répondez-leur alors « Combien coûte une voiture ? »).
Personne ne devrait plus accepter de travailler comme ça. Les techniques du bâtiment ne sont pas compatibles avec le web.
Face à un client obtus je préfère passer mon chemin plutôt que de vouloir éduquer. Quand la petite voie dans votre tête résonne avant même le début du projet, sachez l’écouter et ne pas vous engager.
J’ai lu un article qui disait que le Sprint venait remplacer le cahier des charges. Je ne suis pas entièrement d’accord. Le Sprint est là pour isoler une problématique principale et trouver la bonne solution. Mais votre projet aura d’autres problématiques par la suite. Le cahier des charges lui est là pour poser l’intégralité du périmètre du projet.
Aujourd’hui le CDC est de plus en plus un non sens dans les nouvelles technologies. Il part du principe que l’on sait exactement où on va finir avec le produit, dès le début. Mais en réalité personne n’est devin.
Selon moi la bonne solution est de découper un projet complexe en phases : la première phase, c’est justement le Sprint, afin d’isoler la première (et plus importante) hypothèse et la tester rapidement. Une fois validée, vient alors le développement en suivant les méthodes agiles (lean). Comme je l’ai dit plus haut : on teste en réel avant de produire.
Mais on peut aussi faire un Sprint design en plein milieu d’un projet, lorsqu’une grosse problématique se fait sentir. On lâche son éditeur de code et on allume le cerveau pour trouver les bonnes idées visant à la résolution du souci.
En résumé : le Sprint est une très bonne méthode mais pas adaptée à tous les projets, et pas à tous les profils clients non plus. Il n’est pas là pour résoudre tous les problèmes mais plutôt se focaliser sur une chose à la fois. A vous de juger si parmi vos clients cette technique pourrait être intéressante
Comment se déroule un sprint concrètement ?
Je vais maintenant m’attarder sur les différents concepts de ce Sprint Design et son déroulement. Le but n’est pas de faire un plagiat du bouquin mais vous expliquer les grandes lignes. Si vous voulez en savoir plus, lisez-le ! Il est passionnant ! Il détaille chaque étape avec une grande précision.
1. Les préparatifs
Avant de se lancer dans le sprint il faut un peu de préparation.
- Première chose, il faut trouver la date. Libérer du monde pendant 5 jours consécutifs va être une grande épreuve !
- Il faut également trouver une salle calme et assez grande pour accueillir l’équipe.
- Il faut ensuite au moins 2 tableaux blancs et des stylos. Pendant le sprint on note énormément de choses, on dessine, on gribouille.
- Prévoyez des stylos pour chacun, des feuilles, des stocks de post-it mais aussi des petites étiquettes autocollantes rondes.
- N’oubliez pas le ravitaillement pour les troupes : encas, café, eau, barres de céréale (plus c’est sain, mieux c’est, évitez l’overdose de RedBull et Mars)
- Enfin, un chronomètre ou tout appareil capable de mesurer le temps afin de bien rester cadré et ne pas déborder (sinon votre sprint va finir par durer 8 mois).
Le livre Sprint vous apporte tout un lot de Checklists pour bien préparer vos phases de sprint !
2. L’équipe
Vous vous souvenez d’Ocean Eleven ? Ici c’est le même principe, vous allez réunir une équipe solide où chacun apporte une compétence différente, mais nécessaire. C’est ce qui fait la force du Sprint : vous vous entourez de personnes qui connaissent le projet et qui ont chacun vécu une expérience différente. Un Sprint est efficace avec environ 7 à 10 personnes, vous inclus. Voici un exemple d’équipe type :
- L’expert financier (le patron, la personne en charge du développement du business)
- L’expert marketing (l’attaché de press, le community manager)
- L’expert en relation clientèle (responsable commercial, support client)
- L’expert technique/logistique (le CTO, un ingénieur)
- L’expert design (designer de produit, responsable produit)
- Le décideur (le patron, lefondateur, un responsable)
- Éventuellement : l’emmerdeur de service. Celui qui ne pense jamais comme les autres, qui pourra apporter une autre vision tant que ce n’est pas juste un trolleur de première
Si vous êtes le prestataire du projet, vous apporterez 1 à 2 personnes et votre expertise sur l’accompagnement d’entreprises et la recherche d’idées. (Chez nous c’était à chaque fois le designer, Fabrice, expert en UX, et un développeur, Thierry ou moi).
3. Le facilitateur
Comme pour un match de foot, le facilitateur est en fait un peu l’arbitre. C’est lui qui donne le dernier mot en cas de désaccord et lui qui met fin au débat quand vient le temps de passer à la prochaine étape. Bien souvent le facilitateur est le patron de la société (CEO).
Bien sur il est souvent difficile de motiver ce genre de personne à « sacrifier » 5 jours entiers. Du coup il faut qu’il donne pouvoir à quelqu’un d’autre et il passera à des moments clés de la semaine pour certaines validations.
Il faut absolument éviter le syndrôme de la réunion qui part dans tous les sens et où rien ne se décide.
4. La règle du no-device
Une règle simple : téléphones, tablettes, et ordinateurs interdits pendant les 5 jours. Afin de garder toute la concentration sur le projet en lui même. Bien entendu tout le monde est libre de sortir pour passer un coup de fil important, mais dehors. Et pendant les pauses chacun peut consulter ses mails pour gérer des urgences.
5. Le planning
Chaque journée commence à 10h avec une pause de 10 min à 11h30, puis une pause repas d’une heure à 13h, une autre pause à 15h30 et la fin de journée pour 17h. Il a été noté que de vouloir faire des journées trop longues était trop fatiguant et contre productif. De plus, volontairement limiter le temps vous permettra de plus facilement prendre des décisions et d’aller à l’essentiel.
6. Le déroulement de la semaine
C’est parti le sprint !
Lundi : Comprendre
Le premier jour permet de mettre à plat tout ce que l’équipe sait sur le projet, les choses importantes, les problèmes…
Il faut partir de la fin : que cherche-t’on à accomplir et quel est le but à long terme. Ensuite il faut créer une carte de votre process global. Voici un exemple :
(Image tirée du livre)
L’après midi est dédiée à l’interview d’experts : le but est d’obtenir des points de vue d’autres experts de votre entreprise, mais aussi des gens de l’extérieur, afin de réunir leur vision.
Chaque problématique est ensuite tournée en question « How Might We » : Comment pourrait-on … ? Sur des post-it. A la fin de la journée un mur accueillera toutes ces idées qui seront ensuite regroupées par thématiques.
Puis chacun votera à l’aide de ses petits autocollants circulaires. Seules la ou les idées qui ont reçu le plus de votes seront retenues pour la suite : Cette première journée a donc permis d’identifier le problème sur lequel se concentrer le reste de la semaine.
Mardi : Diverger
Le mardi est dédié à la recherche d’idées : chacun va proposer sa vision des choses, remixer d’anciennes idées, en trouver de nouvelles et coucher tout ça sur papier. L’après midi est dédiée à la réalisation de sktechs sur papiers assez simplistes mais mettant en avant des process et idées phares. C’est toute l’équipe qui s’y colle, pas seulement le designer.
Mercredi : Décider
Le mercredi est dédié à la décision : parmi toutes les idées du mardi, il va falloir ne retenir qu’une seule solution idéalement, en éliminant au fur et à mesure les idées. Il va falloir créer le plan du prototype à partir d’un storyboard, c’est à dire raconter les actions successives que fera l’utilisateur et les traduire sous forme de maquettes simples.
Le matin tout le monde analysera les solutions proposées, émettra des critiques et votera pour ses solutions préférées. L’après midi il faudra prendre les solutions retenues et créer un storyboard unique reprenant la solution finale
Jeudi : Prototyper
C’est le moment de monter la façade, ce décor en carton pâte comme le font les studios hollywoodiens : On n’est pas là pour monter le produit final, juste le strict nécessaire pour maintenir l’illusion que le produit fonctionne, en vue de le faire tester.
Vous n’avez qu’une journée pour faire le prototype. Il faut donc trouver les bons outils pour parvenir à ses fins.
Dans le cas d’un site un outil comme Invision peut s’avérer idéal. Après à chaque problème sa solution. Ici on ne réinvente pas la roue.
Vendredi : Valider
C’est le jour des tests. On croise les doigts ! Il faut avoir préalablement trouvé 5 clients volontaires. Le but est d’obtenir des informations importantes à partir de ce petit groupe.
Afin de valider l’hypothèse, il faudra interviewer ces personnes et leur poser les bonnes questions.
Il est maintenant temps de tirer les conclusions, apprendre de cette expérience et planifier la prochaine étape.
Pourquoi le sprint est efficace ?
Selon moi cette technique est efficace pour plusieurs choses :
La contrainte de temps : Il va falloir trouver LA problématique, DES solutions, faire UN prototype et tester avec des vrais gens dans un délai ultra serré : 5 jours consécutifs. Il faut faire tout cela pendant ce laps de temps, et on sait très bien qu’on travaille toujours plus efficacement dans l’urgence : pas de rendez-vous en masse qui pédalent dans la semoule. Les solutions doivent être trouvées vite, les décisions doivent suivre. GV a bien tenté des sprints plus courts, plus long, mais 5 jours semble être l’idéal.
Se focaliser sur une problématique : Il y a toujours 50 problèmes à régler en même temps, mais le fait de mettre l’accent sur un problème jugé le plus important va permettre de se concentrer uniquement sur celui-ci et de trouver une réponse adéquate, peut importe la taille de ce problème. Pour cela il va falloir être ingénieux et trouver le moyen de créer un prototype en une seule journée.
Créer un prototype et le tester : Dans un cas normal, on va passer énormément de temps pour concevoir une solution avant de la tester, itérer un nombre incalculable de fois avant de trouver le bon mix. Dans le cadre du sprint il faut qu’un prototype soit prêt le jeudi et testé en cas réel le vendredi.
Implication de toutes les parties : D’un côté il y a votre équipe, qui contient des experts (en design, en technique…) et de l’autre il y a le client, avec différents profils : l’expert marketing, l’expert en finances, et celui qui porte le projet (le CEO). C’est seulement en impliquant toutes ces personnes, toutes ces expériences différentes que vous pourrez avoir une vision globale du projet, de ses problématiques et avoir en main tous les éléments nécessaires à la résolution du problème.
Se couper du monde pendant 5 jours : inconcevable pour certains, mais l’avantage de se couper du reste est de pouvoir entièrement focaliser sa concentration sur le problème en question. Le reste peut bien attendre. Vous faites une chose, mais une chose bien. (Rappelez vous de Ben Afleck dans Paycheck qui sefait enfermer le tmeps d’un projet).
5 exemples à l’appui !
J’ai sélectionné quelques exemples, un dont GV s’appuie souvent, quelques uns de mon expérience personnelle et un dernier exemple d’un collègue. Vous pouvez les sauter pour vous alléger la lecture, mais ils permettent de bien appuyer de manière concrète les bénéfices du Sprint.
Exemple 1 : Blue bottle et Google Venture
Le livre Sprint illustre le process avec l’exemple de Blue Bottle Coffee : une chaine de cafés qui souhaite améliorer les ventes en ligne de ces produits. En quelques mots, les enseignes Blue Bottle se distinguent par la qualité de leur cafés, chaque employé est formé pour conseiller différents types de cafés et méthodes de fabrication. Cette startup souhaitait que l’on retrouve cette expertise en ligne.
Le prototype n’était pas une boutique en ligne complète, mais simplement de fausses pages web (réalisées avec un outil de prototyping comme Invision) testables par des personnes lambda. Et parmi les 3 idées qui se sont distinguées au début de semaine, une seule a été sélectionnée le vendredi. Le sprint a permis à l’équipe de se rendre compte de plusieurs choses :
- Ranger les cafés par pays de provenance n’est pas une bonne idée : cela ne parle à personne. Pourtant tous les concurrents le font. Blue Bottle a donc choisi d’organiser les cafés selon le type de cafetière que l’on possède à la maison et la façon de les préparer.
- C’est l’expertise des baristas au comptoir qui fait la force de la franchise. C’est donc cet aspect essentiel qu’il a fallu mettre en avant sur les prototypes.
Exemple 2 : Le sprint chez Smoothie Creative
De notre côté (lorsque j’avais encore mon agence web sur Grenoble) nous avons pu faire plusieurs sprints (après avoir du convaincre nos clients que la méthode était efficace – satisfait ou remboursé) et voici un exemple qui s’est avéré intéressant : l’un de nos clients voulait monter une plateforme de crowdfunding local, pour les projets type foodtruck et autres concepts.
Mais il ne savait pas encore s’il devait se lancer corps et âme là dedans ou pas. En utilisant le Sprint et le Lean, on a pu rapidement en venir à la conclusion suivante :
Ce que le client a besoin, c’est de tester le concept rapidement et voir si ça prend. Avant même qu’on teste si les gens souhaitent participer financièrement, il fallait déjà s’assurer que les entrepreneurs étaient séduits par l’idée. Et pour tester ça nous n’allions pas développer une plateforme complète ni entamer un budget colossal.
Au final voici ce que nous avons fait : notre client devait trouver 3 personnes intéressées, et de notre côté nous allions créer simplement 3 pages statiques présentant les projets, avec un formulaire branché à un module de paiement (Stripe, mais Paypal aurait pu faire l’affaire). Au final l’internaute avait l’impression d’être sur une plateforme complète, alors que côté technique on était sur du décor hollywoodien en carton pâte.
Le client a pu se rendre compte : trouver les premiers entrepreneurs s’est avéré chronophage, et c’était difficile de les motiver. L’effort en webmarketing à fournir ensuite pour attirer de la visite était trop conséquent. Le projet n’était pas assez original et les internautes ne semblaient pas entièrement séduits.
Bon, dommage. L’idée semblait sympa. Mais le sprint et le lean ont permis de tester les hypothèses à un coût ultra réduit, et le client a pu passer rapidement à d’autres projets sans regret.
On a tenté de condenser le sprint en 2 ou 3 jours au lieu de 5, car les projets de nos clients étaient plus petits et ils ne pouvaient rarement libérer autant de temps (même si ça aurait été idéal)
Exemple 3 : Le jour ou on s’est tiré une balle dans le pied
On a eu un client qui souhaitait réaliser une plateforme en ligne d’apprentissage de la langue des signes. Le client avait une idée très précise de sa plateforme : On achete des packs de formations via une boutique. On choisit ensuite son professeur, on compare les disponibilités et on réserve dans un planning. Une salle de classe virtuelle est créée avec chat, tableau blanc, vidéo. Puis à la fin de la formation des attestations, les factures autogénérées des formateurs et un accès au replay…
Bref, une belle usine très complexe. Le client étant absolument sûr de lui et de son marché (qui existe, pour de vrai) n’a pas voulu de sprint design, ni de fonctionnement lean. On avait à l’époque capitulé. Le projet estimé à 6 mois a durée finalement 2 ans. La solution vidéo retenue par le client s’est avérée très défaillante. Quand est venue l’heure des tests, l’accès à la salle de cours et la qualité vidéo se sont avérés être difficile. Il était impossible de suivre un cours dans de bonnes conditions. Bref, en l’état, cela ne fonctionnait pas.
2 ans perdus, un budget qui a explosé pour au final une plateforme qui n’a jamais vu le jour. Qu’est-ce qui était important au final ? Il fallait le strict minimum pour établir un lien entre les profs et les élèves. Au début peu importe si la facturation devait être faite à la main, les rendez-vous gérés sur un bout de papier. Il fallait simplement se concentrer sur le fait que la plateforme puisse mettre en relation un prof et un élève facilement, afin de suivre son cours.
On a beaucoup appris de cette erreur et c’est après ça que nous avions décidé de mettre en pratique le Design Sprint pour tous nos futurs projets.
Exemple 4 : Le problème n’est pas toujours là où on pense
On a accompagné une jeune startup Lyonnaise en 2014 qui souhaitait faire de la revente de vêtements d’occasion en ligne. Le principe était simple : la société vous envoyait une grosse enveloppe où vous mettiez vos vêtements. Elle recevait ces enveloppes, faisait l’inventaire et décidait si elle mettait en vente ou non les articles (le concept visait des vêtements de bonne qualité). Si un article était refusé, vous choisissiez d’en faire don à une oeuvre caritative ou récupérer le produit. Les articles sélectionnés étaient directement rachetés par la société.
Tout avait été pensé, repensé, du concept à la vente, ainsi que le design du site. Ici pas besoin de réinventer la roue : rester dans les codes suffisait amplement. Pendant le sprint, un détail a frappé tout le monde : pour le lancement il fallait X réception d’enveloppes, et le traitement de chaque article prenait 45 minutes (valider le produit, le prendre en photo, mettre à jour la base…). Une problématique s’est alors posée : il était techniquement impossible, pour réussir le lancement, d’avoir assez de temps pour traiter tous les articles. C’était là que se trouvait le problème le plus urgent. L’équipe a donc travaillé à optimiser ce processus au maximum pour ne pas se retrouver bloquer le jour du lancement.
Exemple 5 : Elegant School : vendre d’abord et produire après
Mon collègue Nicolas Richer a lancé début 2016 son side project : Elegant School, une plateforme e-learning pour apprendre à utiliser les produits d’Elegant Themes, qui fabrique des thèmes pour le CMS WordPress.
Il écrit des articles sur WP Marmite, ce qui l’a permis en amont d’avoir une base de personnes à contacter pour son projet. Cependant il n’était pas sûr que de produire un contenu payant allait faire mouche. Que pouvait-il faire ? Une étude de marché ? Un questionnaire demandant aux gens s’ils étaient prêt à payer pour un contenu spécifique et poussé ? Soyons francs : tout le monde aurait dit « Oui » mais combien auraient réellement payé ?
Il convenait alors de penser les choses autrement et de tester l’hypothèse rapidement : Les gens sont ils prêts à payer pour le contenu que je veux produire. Avec un peu d’astuce et beaucoup de culot, il a donc mis en place une page de vente, avec un système de paiement (Stripe) et commencé sa communication : « Précommandez votre formation Elegant Theme ».
en une semaine, il a dépassé les 10K de CA. Sans avoir produit une seule minute de vidéo e-learning. C’est ce genre de façon de penser, de voir les choses de manière originale qui fait toute la différence sur la réalisation d’un projet. Alors pour en arriver là il n’a pas fait un sprint, mais c’est tout comme : il a isolé le problème principal et tenté de trouver une solution facile à mettre en place et rapide à tester.
Le résumé pour les flemmards
Bon, si 5000 mots ça vous fait trop, voici le résumé pour frimer devant les copains en feignant de tout savoir sur le Sprint :
Le design sprint c’est une méthode pour lister des problèmes, définir le plus important/urgent, trouver des idées, mettre en place un prototype et le tester, le tout en une semaine.
C’est une équipe de 7 à 10 personnes qui va travailler à plein temps selon un planning très précis visant à trouver ces bonnes idées, des solutions efficaces en prenant des décisions difficiles.
Chaque participant de ce groupe mixte (designers, développeurs, patron, chef de produit, marketing, finances…) va apporter son expérience, son expertise et sa connaissance du projet afin d’avoir tous les éléments en main.
Le but est de trouver le problème le premier jour, proposer des solutions le deuxième jour, sélectionner une seule solution le troisième, concevoir le prototype le quatrième et le tester en cas réel le dernier jour.
Le design Sprint a été mis au point par les équipes de Google Venture, la branche de Google qui accompagne et finance des startups de tout horizon à partir d’une méthode qui à vu le jour dans les années 80.
Concrètement, le sprint peut être utilisé pour réaliser un tunnel de conversion de site, la première mouture d’une webapp efficace, lancer une nouvelle fonctionnalité sur un produit existant ou même tester la viabilité d’un projet.
Conclusion
Le sprint design est une méthodologie que j’apprécie tout particulièrement, surtout lorsque les projets sont innovants et les problématiques assez fortes. Cette méthode permet de faire les choses correctement et d’éviter de se lancer dans un développement voué souvent à l’échec comme beaucoup font encore hélas trop souvent.
Selon moi cette méthode va peu à peu s’imposer dans les entreprises, un peu comme les méthodes agiles (lean) se sont imposées ces dernières années dans de nombreuses sociétés.
Google Ventures a expérimenté et peaufiné cette technique sur plus de 100 projets durant plus de 5 ans. J’ai toute confiance en leur expertise. Les sociétés qu’ils ont accompagné sont des startups pesant des millions de dollars et certaines ont connu un succès fulgurant.
Je suis bien conscient que le Sprint n’est pas la réponse à tout. Mais il est applicable sur beaucoup de projets. Reste encore à changer les mentalités et convaincre les décideurs du bienfondé de cette méthode.
Ne nous mentons pas. Il vaut mieux dépenser 5 jours consécutifs et résoudre une problématique que d’assister hebdomadairement à des réunions qui n’en finissent plus et qui ont pour seul but de faire perdre un peu de temps à tout le monde.
Aujourd’hui je ne fais plus de prestation et je n’ai plus mon agence, donc je n’ai plus la chance de mener des sprints. Mais je serais heureux de vous conseiller à ce sujet et vous orienter vers des personnes compétentes pour vous accompagner. Je serais également ravi de connaitre votre avis (positif ou négatif) à ce sujet ainsi que vos expériences si vous avez pu tenter.
Ressources
Voici quelques ressources pour aller encore plus loin :
- Le livre Sprint, la véritable bible sur le sujet
- Le site Google Venture
- Les articles de Google Venture sur Medium
- La page dédiée au design sprint
- Les outils pour un bon design Sprint chez google developpers
- Le PDF Google Developpers avec des astuces pratiques
- Les ingrédients pour un bon design Sprint
- Bien choisir sa team de sprint
Avec tout ça vous êtes paré pour Sprinter !
(Certaines photos proviennent de GV)
6 Commentaires
Merci à toi Maxime pour cet article riche en info et en vécu !
Quand on sent que le client peut-être ouvert à ce genres de pratiques, se pose des questions sur sur sa présence sur le web, avec de vrais problématiques, penses-tu que l’on puisse mettre en oeuvre cette méthode en tant que freelance, c’est à dire seul ?
Oui c’est tout à fait possible. Mon ancien associé, Fabrice, l’a expérimenté avec succès récemment et va à l’avenir faire exclusivement de l’accompagnement autour de cette technique.
Quand il a besoin d’une compétence technique, il fait appel à moi pour l’aider quelques fois mais la plupart du temps il y arrive bien tout seul !
Merci Max pour cette passerelle sur ce que j’essaie de faire. Pour compléter romain, en août, Sprint de 3 jours pour une start-up, ou j’ai co-construit l’équipe. Objectif, sortir un premier MVP qui va faire tourner leur business.
Tout va très vite avec le Design Sprint, je te conseille de jeter un oeil sur les cas d’études comme ici > http://www.liut.me/made-in-plan-1
N’hésites pas à me contacter si tu as plus de questions 🙂
Bonjour Maxime, passionnant ! j’ai rencontré Fabrice lors de l’innovation summer camp ou on a sprinter enemble 🙂 article très intéressant merci et au plaisir d’un échange ou d’une recontre 😉